- AQUITAINE
- AQUITAINEConstituée de l’association de cinq départements, Dordogne, Gironde, Landes, Lot-et-Garonne et Pyrénées-Atlantiques, l’Aquitaine actuelle est une des régions les mieux situées dans la France, grâce en particulier au renom de sa capitale Bordeaux, en même temps qu’elle est une de celles dont on souligne la diversité interne et le manque d’unité.Sur 41 308 kilomètres carrés, 7,6 p. 100 du territoire métropolitain, elle reprend le nom de la vaste province impériale, puis du diocèse, qui s’étendait sur les pays humides, traversés de nombreuses rivières, du sud-ouest de la Gaule romaine. Après le Moyen Âge, qui voit s’établir la Guyenne et le Béarn comme bases des circonscriptions administratives du royaume de France, le toponyme «Aquitaine» est utilisé à nouveau au XIXe siècle par les géologues puis les géographes pour désigner le vaste bassin sédimentaire adossé au Massif central et aux Pyrénées. Dans le cadre des réformes administratives amorcées en 1964, il s’agit désormais d’un territoire plus limité et nécessairement mieux circonscrit.La collectivité locale actuelle occupe donc la partie occidentale de la région naturelle, laissant à la région Midi-Pyrénées les confins orientaux et les proximités méditerranéennes et à la région Poitou-Charentes l’essentiel du bassin hydrographique de la Charente qui jouxte au nord celui de la Dordogne aquitaine. Mitoyenne de l’Espagne, largement ouverte sur l’océan, l’Aquitaine a figuré longtemps parmi les territoires français écartés des grandes mutations industrielles et urbaines; l’élargissement de la Communauté européenne à l’Espagne et au Portugal a profondément modifié la position du sud-ouest de la France au regard des grands flux de relations.1. L’Aquitaine historiqueVariations territoriales et politiquesAvant la conquête romaine (56 av. J.-C.), les peuples «aquitains» occupaient l’espace compris entre la Garonne et les Pyrénées. C’est l’administration impériale sous Auguste, puis au IIIe siècle, qui fit passer à l’ancienne Celtique – qui couvrait le vaste ensemble de pays entre Loire, Garonne et bordure orientale du Massif central – la dénomination d’Aquitaine; ainsi fut constituée une province d’Aquitaine première (avec Bourges comme métropole) et une d’Aquitaine seconde (métropole: Saintes, puis Bordeaux); le pays au sud de la Garonne devint la Novempopulanie.Au temps des invasions, les Wisigoths, d’abord établis comme fédérés en Aquitaine seconde et autour de Toulouse, étendirent ensuite leur État à presque toute l’Aquitaine: mais Clovis, vainqueur de leur roi Alaric II à Vouillé (507), fit entrer cette partie de la Gaule dans le royaume franc. Au VIe siècle, l’Aquitaine fit l’objet de nombreux partages, et, à partir de 580, fut envahie par les Gascons, venus du sud des Pyrénées, populations qui ont donné leur nom à l’antique Novempopulanie. Au cours de la seconde moitié du VIIe siècle, l’autorité des rois francs n’arriva plus à s’exercer dans cette partie du royaume et le pouvoir passa aux mains des ducs Loup, Eudes qui favorisa l’invasion musulmane (732), Hunaud, Waïfre. Les coups redoublés de Charles Martel et de Pépin le Bref eurent raison de ce duché indépendant d’Aquitaine (768); et Charlemagne créa en 778, pour Louis, son fils premier-né, un royaume d’Aquitaine qui, subordonné à l’autorité du roi franc, subsista jusqu’en 877.Lorsque, après les désastreuses invasions normandes et le Xe siècle, dont nous savons si peu de chose, l’Aquitaine reparaît, elle est divisée en deux principautés territoriales dont les ducs s’efforcent de tenir dans leur mouvance des vassaux à l’humeur indépendante; au nord de la Dordogne, le duché d’Aquitaine est aux mains de la maison comtale de Poitiers ; au sud, le duché de Gascogne vit sous une dynastie qui s’appuie à la fois sur Bordeaux et sur une parenté ibérique. La fin de cette dernière famille, en 1032, permit au comte de Poitiers Gui Geoffroi, après un mariage, des intrigues et un coup d’audace, d’unir la Gascogne au duché d’Aquitaine (1058) et de reconstituer ainsi, au profit de la maison des Guilhem, le vaste ensemble territorial aquitain, de la Loire et de l’Auvergne aux Pyrénées.Les ducs poitevins d’Aquitaine, Guilhem VIII, Guilhem IX, le premier troubadour, Guilhem X ont été des princes prestigieux; ils ne méconnaissaient pas, cependant, leur appartenance à la mouvance du roi de France. C’est l’héritière du dernier duc, Aliénor, qui, après son premier mariage dissous avec Louis VII (1137-1152), apporta le grand duché à Henri Plantagenêt, devenu roi d’Angleterre en 1154. Ainsi l’Aquitaine a-t-elle été unie pour trois siècles à la couronne d’Angleterre. Mais, durant ces siècles, l’étendue territoriale du duché a encore beaucoup varié, suivant les relations entre les rois-ducs et les rois de France. L’Agenais en fut plusieurs fois distrait; il perdit au XIVe siècle l’hommage du Béarn; il fut souvent réduit à la région de Bordeaux et de Bayonne; il devint un des enjeux de la guerre de Cent Ans. C’est au milieu du XIIIe siècle que le nom de Guyenne, corruption d’Aquitaine, a commencé à se substituer à ce dernier. Reconnu au traité de Brétigny (1360) à Édouard III en toute souveraineté, le duché redevint, sous le gouvernement du Prince Noir, l’immense principauté souveraine étendue des pays de Loire aux Pyrénées basques. Mais la «reconquête» française, opiniâtrement conduite par Charles VII, aboutit, après la bataille de Castillon et la prise de Bordeaux, à l’incorporation du duché au domaine de la couronne de France (1453).Occupation du sol et peuplementL’occupation du sol de l’Aquitaine antique était relativement faible; cependant, de nombreux vestiges archéologiques subsistent de ses populations préhistoriques (en Périgord et dans les pré-Pyrénées surtout) et galloromaines. Les territoires de beaucoup de ses «cités» (Saintes, Angoulême, Périgueux, Bordeaux, Bazas, Agen, Dax) étaient étroitement bordés par des massifs de forêts et des landes, encore assez importants au XIe siècle. Les grands domaines, qui découpaient les campagnes agricoles (leur suffixe -acum a donné ici les noms de lieux en -ay et en -ac), comme ceux des Léonce et de Bertrand du Mans, en Bordelais, et de Nizezius, dans la moyenne Garonne, aux VIe et VIIe siècles, occupaient surtout les vallées. Les invasions wisigothiques et franques n’apportèrent à ce dispositif qu’un faible contingent nouveau (noms de lieux en -ens). Une première poussée de peuplement des campagnes commençait cependant aux VIIIe et IXe siècles, en même temps qu’un premier essor du monachisme, souligné par l’éclosion de nombreuses paroisses rurales, principalement entre Loire et Garonne. Mais cet élan fut, semble-t-il, brisé dans la seconde moitié du IXe siècle.Comme dans toute l’Europe occidentale, c’est la pression démographique, qui s’est fait sentir dès le milieu du XIe siècle pour se prolonger ici jusqu’au début du XIVe siècle, qui a provoqué en Aquitaine le grand mouvement d’expansion de la vie rurale et d’essor urbain, dont les conséquences sur le paysage et l’habitat sont toujours tangibles. Parallèlement, la nouvelle vague monastique des XIe et XIIe siècles, attirée par la solitude, vint installer ses abbayes dans des zones jusque-là boisées ou mal exploitées, favorisant ainsi leur mise en valeur. La congrégation de la Sauve-Majeure, fondée en 1079, a porté ses efforts sur l’Entre-deux-Mers, à l’est de Bordeaux, et rayonné depuis là; un réseau serré d’abbayes cisterciennes et prémontrées a couvert le pays, du Poitou à la Gascogne; de nombreuses commanderies d’Hospitaliers et de Templiers l’ont aussi quadrillé et animé.Pour nourrir et établir les nouveaux venus, il a fallu accroître les surfaces cultivées et créer des villages d’accueil. Des défrichements ont eu lieu dans les forêts du Poitou, de la Saintonge, du Limousin, du Périgord et, de façon plus diffuse, dans les bois et les landes de la Gascogne; défrichements qui ont laissé dans la toponymie les noms du type essart et, au sud du pays, ceux du type artigue (de artigar , défricher). Des villages nouveaux se sont spontanément formés, Châteauneuf, Castelnau, auprès de châteaux nouvellement construits. Mais, bien vite, les possesseurs du sol ont compris l’intérêt qu’ils avaient à diriger cette expansion. Ils ont favorisé la création et même fondé de toutes pièces des villages neufs: bourgs neufs de l’Ouest aquitain, «sauvetés» de Gascogne. Ces dernières doivent leur nom à la sauvegarde spirituelle que les autorités ecclésiastiques fondatrices accordaient à leurs habitants. Les évêques, les grandes abbayes, les ordres hospitaliers et militaires ont beaucoup participé à ce mouvement. Citons parmi les réussites: Nogaro (av. 1061), Sainte-Foy-dePeyrolières (apr. 1073), Saint-Nicolas-de-la-Grave, avec son plan originel en damier (1135 env.), et les sauvetés des Hospitaliers en Comminges. L’intervention des laïques, associés parfois en paréage avec des établissements religieux, donna, un peu plus tard, des fondations appelées à un remarquable avenir urbain: Mont-de-Marsan (1133-1141) et Montauban (1144). Mais une pause se produisit alors dans cet élan de colonisation, provoquée peut-être par le mouvement de migration vers l’Espagne reconquise et par les remous de la crise albigeoise, dans la partie orientale du moins.Le rapide développement économique et la transformation du peuplement rural du Sud-Ouest aquitain ont eu lieu entre le milieu du XIIIe siècle et le milieu du XIVe siècle. C’est l’époque de la fondation des bastides, c’est-à-dire de villes et villages neufs de peuplement, encore implantés par les diverses autorités seigneuriales et royales. Chaque création a eu sa coloration particulière. Bastide d’exploitation rurale sur le terroir d’une grange cistercienne telle que Grenade-surGaronne (1290); débouché commercial de la vallée de la Dordogne tel que Libourne (1268-1270); instrument de pénétration du pouvoir capétien en Gascogne tel que Marciac (1298); jalonnements domaniaux et frontaliers tels que Montréal (1225) ou Domme (1281) du côté français, et Beaumont (1272) ou Monpazier (1286) du côté anglais; mais, toujours, ces nouvelles bourgades ont fixé les populations et ont créé un réseau de marchés régionaux.L’excédent de ces populations rurales a donné aussi un élan nouveau aux vieilles cités et aux lieux jusqu’alors peu fréquentés. À Poitiers, «capitale» des Guilhem, trois bourgs grandissaient dès le XIe siècle hors des anciens murs, et, au XIIe siècle, Aliénor fit construire une nouvelle enceinte et donna aux habitants une charte communale (1199). Saintes fut, au contraire, entravée dans son développement par celui de la nouvelle ville de La Rochelle qui s’est formée dans la seconde moitié du XIIe siècle. Limoges et Périgueux ont eu un essor curieux: à côté des deux antiques cités se sont constitués, ici, dès la fin du Xe siècle, un nouveau noyau, le castellum , là, au cours du XIIe siècle, autour du moutier de Saint-Front, une ville de marchands et d’artisans. Au XIIe siècle également s’est formé un bourg neuf sous la cité de Bayonne. L’immigration rurale a surtout permis le renouveau de Bordeaux avec la construction, au sud du castrum , au XIIe siècle, du bourg Saint-Éloi. Un nouveau mur a enclos ce bourg au début du XIIIe siècle, pendant que la ville recevait ses premiers privilèges et son autonomie municipale, avec un maire et des jurats (av. 1206). Une troisième enceinte, immense, élevée dans le premier quart du XIVe siècle, quadruplant les dimensions de la ville, témoigne d’un essor prodigieux au cours du siècle précédent.ÉconomiePays essentiellement agricole, l’Aquitaine a eu la chance de posséder, pour soutenir une importante économie d’échanges, pendant ces siècles d’apogée, deux produits clefs de cette économie médiévale: le vin et le sel.Le premier vignoble qui ait eu vocation commerciale a été celui du «Poitou», dont Saint-Jean-d’Angély et La Rochelle étaient, à la fin du XIIe siècle, les centres. Il alimentait un trafic vers les pays de la mer du Nord et surtout, quand Henri Plantagenêt fut devenu roi, vers l’Angleterre. Mais la conquête du Poitou et de La Rochelle par le roi de France Louis VIII, en 1224, permit à Bordeaux de rester le seul grand port du domaine continental anglais et donna, de ce fait, l’élan décisif à la viticulture bordelaise et «gasconne». Le vieux vignoble bordelais, restauré au XIIe siècle, et les vignobles du «haut pays» de la Garonne et de ses affluents (Agenais, Cahors, Montauban, Gaillac, basse Dordogne) trouvèrent désormais en Angleterre un débouché assuré de leurs produits, mais bientôt aussi aux Pays-Bas. Au cours du XIIIe siècle, les bourgeois bordelais obtinrent de leur roi-duc plusieurs privilèges qui firent leur fortune: interdiction de l’apport des vins du «haut pays» avant le 11 novembre, puis le 25 décembre, de telle façon que ces vins ne vinssent pas concurrencer ceux du bas pays bordelais; exemption des droits à l’exportation; liberté de commerce dans tout le royaume. Aussi bien, les flottes d’automne et de printemps enlevaient-elles vers Bristol, Southampton, Londres et Hull des quantités impressionnantes de tonneaux de vin. Avec 102 724 tonneaux, l’année 1308-1309 marqua le sommet de ce trafic, le plus important en quantité de toute la chrétienté médiévale. La contrepartie, loin d’équivaloir en volume et en valeur à ces exportations aquitaines, était constituée par des poissons, des laines, des draps, des métaux, quelquefois des céréales.Toute la côte atlantique entre Loire et Gironde a été, d’autre part, du Xe au XVe siècle, un grand fournisseur de sel. Les marais salants de la baie de Bourgneuf, grâce à leur situation dans le territoire des «marches séparantes» entre Bretagne et Poitou, franches de droits, et au fait qu’ils étaient les premiers gros producteurs méridionaux que rencontraient les flottes nordiques, ont longtemps alimenté les villes de la Hanse. Les marais du bas Poitou, de l’Aunis, de la Saintonge et des îles, aménagés au XIe siècle, après avoir servi l’Angleterre, ont fourni principalement l’arrière-pays français; mais, à l’extrême sud, les sources salées de Bayonne et de Salies apportaient un complément non négligeable.Les crises du milieu du XIVe siècle et du XVe siècle ont entraîné des transformations dans cette activité économique de l’Aquitaine. Les événements militaires de la guerre de Cent Ans ont durement touché l’agriculture de certaines parties du pays (Périgord, Entre-deux-Mers, Gascogne); les coups portés par la grande peste de 1348 et par la récurrence des épidémies se sont fait lourdement sentir dans la démographie; la complémentarité commerciale anglo-bordelaise a souffert aussi du conflit avant d’être brisée par la reconquête française de 1453. L’étiage des exportations bordelaises en 1438-1439, 4 052 tonneaux, est bien symptomatique d’une récession, qui a affecté surtout les fortunes des possesseurs de seigneuries foncières et de l’ancienne bourgeoisie.CivilisationL’Aquitaine médiévale a connu – sans difficultés, semble-t-il – le destin d’un pays bilingue au carrefour des civilisations. Sa partie septentrionale appartenait aux dialectes français d’oïl, sa partie méridionale à la langue d’oc. La séparation linguistique se faisait, au XIIe siècle, par une ligne allant de la Gironde (au nord de Blaye) à la Marche, laissant donc au nord Saintonge, Aunis, Poitou, et au sud Bordelais, Périgord, Limousin et toute la Gascogne; on parlait et écrivait gascon à Bordeaux du XIIe au XVe siècle.C’est en Aquitaine qu’a pris naissance la poésie lyrique occitane. Guilhem IX, duc d’Aquitaine, qui menait joyeuse vie au milieu d’une troupe de «compagnons», est le plus ancien troubadour; mais sa langue littéraire écrite était, en Poitou, une langue importée. La cour de Poitiers fut fort hospitalière aux troubadours: Cercamon et Marcabru y furent accueillis par Guilhem X. Après Aliénor et Richard Cœur de Lion, c’est un haut baron poitevin, Savari de Mauléon († 1230), qui devint la providence des jongleurs. Le Limousin aussi s’est éveillé très tôt à la vie littéraire, avec des poètes comme Bernard de Ventadour, Bertran de Born, Arnaut de Mareuil et Giraut de Bornell. Au milieu du XIIe siècle, encore, Jaufré Rudel, de Blaye, en s’adressant à une dame «lointaine», a donné à la poésie lyrique une expression délicate et raffinée. Ni ces milieux cultivés ni l’Église d’Aquitaine n’ont produit, au Moyen Âge, d’importantes écoles; et il a fallu attendre 1431 pour que soit instituée, par Charles VII, une université à Poitiers et 1441 pour que l’archevêque Pey Berland fonde celle de Bordeaux.L’art, au contraire, comme la poésie, a trouvé en Aquitaine un terrain privilégié. Dès l’époque mérovingienne, Poitiers et Bordeaux voient fleurir des édifices dont le poète Fortunat vante le luxe; il en subsiste, à Poitiers, le baptistère Saint-Jean, un des monuments les plus évocateurs de l’art chrétien de la Gaule, et, à Bordeaux, les beaux sarcophages de Saint-Seurin.Lorsque s’est développé, à partir du XIe siècle, le grand pèlerinage à Saint-Jacques-de-Compostelle, l’Aquitaine s’est trouvée, par sa situation géographique, sur le passage de tous les grands itinéraires qui convergeaient vers les cols des Pyrénées occidentales: voie venant de Paris et Tours, par Poitiers, Saint-Jean-d’Angély, Saintes, Blaye, Bordeaux et le «désert» des Landes; voie de Bourgogne, venant de Vézelay, par Limoges, Périgueux, La Réole; voie du Puy, coupant la Gascogne après Moissac; voie de Saint-Gilles et de Toulouse, enfin, aboutissant en Béarn. La traversée des monts s’effectuait soit par le Somport, soit par le val de Roncevaux. Il n’est pas étonnant que le souvenir de Charlemagne ait été ici retrouvé par les pèlerins et que le long de ces routes d’Aquitaine aient fleuri des récits et des traditions légendaires. À Blaye, on voyait la tombe de Roland; à Saint-Seurin de Bordeaux, son cor d’ivoire. Mais le long de ces chemins furent édifiés aussi les plus grands monuments de l’art roman, les églises de pèlerinage. En Aquitaine proprement dite s’élevait jadis l’importante abbatiale de Saint-Martial de Limoges, consacrée en 1095.Tous les pays aquitains d’alentour ont vu, d’ailleurs, s’épanouir de belles écoles de construction et de décoration. En Poitou et en Saintonge, les architectes ont bâti des églises à trois hautes nefs, telles Notre-Dame-la-Grande de Poitiers et les églises de Saint-Savin-sur-Gartempe et d’Aulnay-de-Saintonge, où l’art du sculpteur a pu se manifester, grâce à des matériaux de calcaire tendre, dans de riches chapiteaux, tympans et voussures, et où les peintures murales offrent aussi des décors somptueux. Sur une étroite bande de terrain allant de Cahors à Angoulême, en Périgord surtout, se trouve un curieux groupe très dense d’églises à nef unique couverte d’une file de coupoles sur pendentifs: les plus anciennes de ce style sont la cathédrale de Cahors, Saint-Avit-Sénieur, Saint-Étienne de Périgueux et la cathédrale d’Angoulême, commencée au début du XIIe siècle. Le Bordelais et la Gascogne sont aussi parsemés de quantités de petites églises romanes et d’abbatiales, où se mêlent les influences poitevines et languedociennes. L’architecture gothique, tardive, a été ensuite un art d’importation, avec des abbatiales cisterciennes ou des églises conventuelles et de grandes cathédrales, comme celle de Bordeaux, richement dotée par son ancien archevêque Bertrand de Goth, devenu le pape Clément V (1305), et celle de Bayonne.Avec ses contours changeants et ses destinées un peu en marge de la France franque et capétienne, malgré une longue période critique, l’Aquitaine médiévale nous apparaît en somme avoir été un pays favorisé par l’économie de son temps et où a fleuri une civilisation raffinée, foyer de la poésie lyrique et riche province de l’art roman. Les transformations de la France et de l’Europe autour d’elle l’ont depuis lors relativement défavorisée, sans rien lui enlever cependant de son charme ni de sa personnalité.2. La région aquitaineAvec une population de 2 796 093 personnes au recensement de 1990, l’Aquitaine a une densité de 67,7 habitants au kilomètre carré; elle fait partie des espaces peu peuplés de l’Europe communautaire et, surtout, fort inégalement occupés. Son poids humain dans l’ensemble français n’est que de 4,94 p. 100, en diminution lente et régulière depuis la fin du XIXe siècle. Cependant, elle apparaît comme une aire de contrastes socio-économiques: marquée de nombreux traits d’archaïsme, elle offre également les aspects les plus marqués de la modernisation économique et figure dans cette France du Sud qui accumule les formes principales de la croissance industrielle et tertiaire du pays.Le milieu: les délicates nuances de la diversité localeLa région s’inscrit dans trois bassins hydrographiques tournés vers l’Atlantique. Au nord, celui de la Dordogne et de l’Isle, qui conflue au bec d’Ambès avec celui de la Garonne, axe principal de concentration et de circulation qui rassemble les eaux de toute la partie orientale du bassin sédimentaire, enfin, au sud, l’Adour et le gave de Pau alimentés par le piémont pyrénéen. Selon la densité et l’organisation des vallées, selon la nature du substrat géologique et la diversité des épandages superficiels, trois ensembles se dégagent:– au nord de la «gouttière garonnaise», le domaine des plateaux à dominante calcaire, plus ou moins finement disséqués, plus ou moins marqués de placages siliceux divers particulièrement abondants en Périgord noir et dans le pays de la Double à l’est de l’immense estuaire girondin; les fonds des vallées principales sont marqués par l’étagement de terrasses alluviales dominées par des croupes calcaires inégalement vigoureuses: escarpements de la Dordogne périgourdine ou «serres» plus adoucies de l’Agenais;– au sud se développe l’avant-pays pyrénéen adossé à une chaîne qui passe des formes de haute montagne à l’est (massif du pic du Midi d’Ossau, 2 885 m) aux croupes adoucies se terminant par la côte basque rocheuse entaillée de plusieurs anses et des rias de la Nivelle et de la Bidassoa qui marque la frontière avec l’Espagne; les vallées de l’Adour et de ses affluents y découpent en collines aux flancs souvent raides les molasses argileuses du piémont montagnard en isolant vallons et croupes aux sols et aux expositions très nuancés;– entre les deux, sur 15 000 kilomètres carrés (plus du tiers de la superficie régionale), le plateau landais s’étend en un vaste triangle ouvert sur l’Atlantique entre les estuaires de la Gironde et de l’Adour par une côte rectiligne de 200 kilomètres; il est limité, vers l’intérieur, par les pays garonnais du Bazadais et de l’Agenais d’une part, la Chalosse aturienne de l’autre. Formé d’un manteau de sable armé souvent d’une couche dure gréseuse qui le rend imperméable, il est parcouru par un réseau hydrographique partiellement endoréique qui débouche sur une succession d’étangs bloqués derrière le cordon dunaire côtier, à l’exception de la Leyre, qui se jette dans le bassin d’Arcachon, seule coupure maritime notable.La finesse d’ensemble de la dissection, les nuances des variations de faciès des dépôts superficiels donnent des sols aux multiples propriétés selon la proportion des graves argilo-sableuses, des calcaires ou encore l’épaisseur des alluvions fluviatiles. Les pentes les font humides, bien égouttés, voire sensibles à l’assèchement estival, et cela en quelques centaines de mètres. Cette délicate marqueterie de possibilités est source de larges possibilités culturales, mais elle explique aussi l’attachement à des microterroirs: origine majeure de l’éclatement des exploitations méthodiquement adaptées au gré des héritages et des achats, source essentielle de la résistance au remembrement (19 p. 100 de la surface agricole utile concernée contre 40 p. 100 pour l’ensemble du pays).Les conditions climatiques accentuent encore la diversité en y introduisant les nuances d’instabilité intra-annuelle. Le climat aquitain, variante de l’océanique dans la douceur et l’ensoleillement, est, par excellence, celui des cieux, changeant au gré des perturbations pouvant se succéder à longueur d’année. Si les caractéristiques d’ensemble sont très favorables – ensoleillement, faibles écarts de température (5 0C en janvier, 20 0C en juillet), pluviométrie bien répartie pour un total de 800 millimètres environ –, la lutte d’influences contraires se traduit par la grande instabilité du temps: les gelées tardives ne sont pas rares dans les fonds des vallées, les étés peuvent être très secs ou au contraire trop humides.Les nuances ne manquent pas cependant. S’il y a moins de vingt jours de gelées par an de Bordeaux à Biarritz, on atteint soixante jours dans le nord de la Dordogne et plus de cent dans la montagne pyrénéenne. De même, les précipitations sont particulièrement abondantes sur les reliefs alors qu’elles ne sont plus que de 700 millimètres dans l’Agenais, et l’ensoleillement est plus important sur la façade atlantique du département de la Gironde que partout ailleurs en Aquitaine. Ainsi les combinaisons sont-elles nombreuses et conduisent-elles à opposer les horizons ouverts et chauds de la vallée de la Garonne, avec ses peupleraies et ses pins parasols, aux espaces plus verdoyants, soulignés des orées sombres des forêts, du nord périgourdin et des contreforts pyrénéens et aux bleus adoucis des pays bordiers de l’océan, de la côte basque jusqu’au Médoc.Au-delà de ces apparences d’équilibre, la question majeure demeure celle de la maîtrise de l’eau indispensable à l’intensification des cultures, tant sur les terrasses fluviatiles que sur les croupes des molasses plus lourdes, et, surtout, à la réduction de l’incertitude pluviométrique intersaisonnière. Les aménagements hydrauliques et le développement rapide de l’irrigation constituent un des grands outils de la modernisation agricole: 230 000 hectares, soit 14 p. 100 de la S.A.U., étaient irrigués en 1988, contre 4 p. 100 pour le pays. Par ces premiers caractères, l’Aquitaine appartient bien à la France du Sud.Les hommes et l’espace: les densités déchiréesL’Aquitaine est fort inégalement occupée et ce trait, hérité du XIXe siècle, n’a fait que s’accentuer avec, cependant, des déplacements dans les inégalités de répartition. L’emprise humaine a été toutefois suffisamment marquée pour laisser entrevoir, avec quelques craintes, l’apparition de véritables délaissés humains sur les franges les plus isolées.Les cinq départements constitutifs de l’Aquitaine sont de poids humain fort différent, puisque la Gironde représente 43,5 p. 100 de la population, les Pyrénées-Atlantiques 21 p. 100, la Dordogne 14 p. 100, enfin les Landes et le Lot-et-Garonne environ 11 p. 100 chacun. Ces déséquilibres s’expliquent principalement par l’inégale urbanisation régionale qui, globalement, avec 65 p. 100, est inférieure au taux français (74 p. 100). Seule la Gironde, 75 p. 100, figure comme département à forte urbanisation; viennent ensuite les Pyrénées-Atlantiques, 68,5 p. 100, et, avec des pourcentages très inférieurs, le Lot-et-Garonne, 59 p. 100, les Landes, 50 p. 100, et la Dordogne, 43 p. 100 seulement.C’est que le système urbain aquitain, inégalement réparti dans l’espace, est caractérisé par le rôle des bourgs et des très petites villes disséminés et par une vigoureuse métropolisation incomplètement relayée par les niveaux urbains intermédiaires. Avec 696 000 habitants, les vingt-sept communes de la communauté urbaine de Bordeaux constituent donc le pôle démographique régional; à partir de ce regroupement administratif, à la croissance maintenant ralentie, s’édifie une vaste région urbaine qui englobe Libourne au nord et tend à annexer le bassin d’Arcachon vers le sud-ouest. Dans la partie méridionale de la région, les deux agglomérations des pays de l’Adour, au dynamisme marqué, s’inscrivent comme relais de l’organisation territoriale: Pau et Bayonne-Anglet-Biarritz, avec quelque 130 000 habitants chacune, constituent deux noyaux complétés par Dax, Orthez et Saint-Jean-de-Luz.Le reste de l’Aquitaine est caractérisé par des agglomérations plus isolées les unes des autres: Périgueux, 60 000 habitants, et Bergerac, 30 000 habitants, pour la Dordogne; Agen et Villeneuve-sur-Lot, avec des populations respectives de 60 000 habitants et 30 000 habitants, pour le Lot-et-Garonne; Mont-de-Marsan, enfin, qui, avec 33 000 habitants comme Dax, assure l’animation de la partie forestière des Landes. Ces villes importantes regroupent 46 p. 100 de la population, tandis que les 20 p. 100 restants de l’urbanisation se trouvent répartis en quelque soixante-dix bourgades faites de quelques milliers de personnes chacune. Distribuées dans l’ensemble de l’Aquitaine, elles forment le niveau de base de l’organisation sociale et économique; chaque centre constitue réellement une «petite» ville, tant par ses fonctions de marché et de mise en relations que par son centre et son animation: ainsi en est-il, par exemple, de Langon, Casteljaloux, Saint-Sever, Peyrehorade ou, encore, de Mussidan.Entre les zones d’urbanisation et les vallées qui concentrent pour l’essentiel les axes de relations et les points d’échange, les densités s’effritent très vite. Elles descendent au-dessous de 30 habitants au kilomètre carré sur tous les plateaux, au-dessous de 10 habitants au kilomètre carré dans l’extrême nord du Périgord et la haute Lande, au cœur du massif forestier, ce qui se traduit par l’extrême isolement des communautés villagoises que séparent des vides humains absolus. Depuis 1962, les contrastes tendent à s’accentuer de plus en plus: aux trois grandes zones de polarisation urbaine, de Bordeaux jusqu’à la façade atlantique, de Pau-Oloron-Nay et de la côte basque (de Bayonne à la frontière espagnole), complétées par les noyaux plus restreints de Périgueux, Bergerac, Agen et Mont-de-Marsan où la population a augmenté de plus de 25 p. 100, s’opposent quatre zones de déprise humaine où la chute atteint, à l’inverse, au moins 25 p. 100: la montagne pyrénéenne, le cœur du triangle landais à cheval sur trois départements, les bordures nord (vers le Limousin) et sud (bas Quercy agenais) de la Dordogne.Cependant, au-delà de ces contrastes très marqués, l’Aquitaine figure en même temps dans la France qui, globalement, se développe en attirant des excédents de population. Certes, la région continue à se caractériser par une démographie aux soldes naturels très médiocres, voire négatifs, fruits du vieillissement accentué et de l’arrivée continue de ménages adultes, les jeunes en début de carrière devant souvent faire leurs preuves ailleurs. Entre 1982 et 1990, l’accroissement annuel moyen régional de la population a été de 0,63 p. 100, contre 0,50 p. 100 pour la France; mais, alors que pour l’ensemble du pays l’accroissement naturel entrait pour 82 p. 100 dans les gains, en Aquitaine il ne jouait que pour 5 p. 100, eu égard à la grande faiblesse des soldes naturels. Par contre, plus de 300 000 personnes ont immigré vers la région de 1975 à 1982 (le solde migratoire positif fut encore de 127 100 entre 1982 et 1990); sur ce total, plus de la moitié ont moins de cinquante ans et le quart environ des immigrants de l’intérieur sont des Aquitains qui reviennent travailler au pays. Ce mouvement est particulièrement notable pour la Gironde et les Pyrénées-Atlantiques.Après avoir connu un lent déclin relatif, la population active se stabilise à 4,8 p. 100 de l’ensemble national et tend même à augmenter très lentement depuis 1980. Au total, on peut l’estimer à un peu plus de 1 170 000 personnes mais, avec un taux de chômage qui va croissant, de 9,4 p. 100 en 1982 à 11,9 p. 100 en 1990, ce sont à peu près un million d’Aquitains qui exercent effectivement une activité économique, dont 40 p. 100 de femmes. Demandeurs d’emploi compris, le taux d’activité de la population est de 41,9 p. 100, très voisin de celui de la France (43 p. 100), ce qui corrobore les indications données par les migrations qui amènent des adultes plus que, selon les clichés usuels, des personnes venant s’établir pour la retraite.Dans sa répartition par grands secteurs d’activité, cette population active exprime les profondes mutations de l’économie régionale et met en perspective leur connaissance au regard des moyennes françaises. De 1954 à 1990, la part du secteur primaire est passée de 44 p. 100 à 8,2 p. 100, celle du secteur secondaire de 26 à 28,2 p. 100 (après avoir culminé en 1968 à 31,9 p. 100), celle du tertiaire de 30 à 63,6 p. 100, les chiffres nationaux de 1990 étant respectivement de 8 p. 100, 29 p. 100 et 63 p. 100. L’Aquitaine, région encore très agricole aux débuts de la grande période d’expansion, est entraînée par le mouvement général de concentration de l’essentiel des nouveaux emplois dans le secteur tertiaire, qui y tient désormais une place semblable à la moyenne française. L’écart se joue donc, mais avec une ampleur moindre, et qui tend toujours à diminuer, sur une sur-représentation des actifs agricoles et une sous-industrialisation.L’agriculture: l’opulence contraintePremière région française par la valeur des productions mises en marché au début des années cinquante, tombée à la neuvième place en 1965, l’Aquitaine est désormais au troisième rang. L’originalité s’affirme encore avec la première place dans l’excédent agro-alimentaire national; dans des conditions exceptionnelles, la région a représenté jusqu’à 33 p. 100 de cet excédent national en 1986. Ces données campent bien la puissance obtenue par une reprise vigoureuse des spécialisations; toute l’évolution aquitaine réside dans cette mutation continue.En diminution de plus de 30 p. 100 depuis les années soixante-dix, les 77 600 exploitations agricoles utilisaient en 1988 une surface agricole de 1 542 000 hectares, soit à peu près l’équivalent de la superficie boisée régionale, répartition respective tout à fait remarquable. L’Aquitaine continue à apparaître, au sein de l’agriculture française, comme le domaine de la moyenne exploitation car les grandes exploitations y sont sensiblement moins représentées: en 1988, les exploitations de moins de 2 hectares n’y représentaient que 9,9 p. 100, celles de plus de 50 hectares que 6,9 p. 100 contre, respectivement, 8,8 p. 100 et 16,9 p. 100 pour la France. Mais l’augmentation de la taille moyenne est très impressionnante puisque, depuis le début des années soixante-dix, elle passe de 12,6 à 20 hectares par exploitation; on trouve ici l’expression claire du fort mouvement de concentration, mais toujours autour de l’unité familiale de production, l’efficacité du travail s’accroissant.En 1988, les surfaces cultivées étaient consacrées pour 54,4 p. 100 aux cultures annuelles, dont 36,7 p. 100 aux céréales et 12 p. 100 aux cultures fourragères et prairies non permanentes; les prairies permanentes, elles, couvraient 26,2 p. 100 de la surface et le vignoble 9,1 p. 100. En 1985, en valeur, les productions végétales assuraient 65,6 p. 100 du revenu agricole, dont 28,3 p. 100 pour le vin, 14 p. 100 pour le maïs et 13,2 p. 100 pour les fruits et légumes; les productions animales assuraient donc 34,4 p. 100 de ce même revenu régional, avec 16 p. 100 pour les viandes d’abattage, 9,1 p. 100 pour les volailles et les œufs et 7,9 p. 100 pour le lait. Ces données expriment la permanence d’une large diversification des productions de l’Aquitaine de plus en plus marquée en raison d’une spécialisation locale qui s’adapte aux nuances du milieu naturel et qui tient, de plus en plus, aux initiatives professionnelles d’organisation.C’est d’abord par le vignoble que l’Aquitaine est connue: avec 140 500 hectares, elle est la deuxième région par la superficie, mais la première pour les vins de qualité dont elle assure 31 p. 100 de la production et 39 p. 100 des exportations nationales. Le vin constitue la première production régionale, avec plus de 7 millions d’hectolitres, dont plus des quatre cinquièmes en appellation contrôlée. La Gironde concentre plus des trois quarts de cette activité; le dynamisme des producteurs, qui ont su assimiler les enseignements les plus récents de l’œnologie et ont développé une très forte mécanisation, renforce le grand renom de l’ensemble des vins du Bordelais qui, avec graves, médoc, pomerol, saint-émilion et sauternes, trouvent leurs appellations les plus prestigieuses. Plus modestes, mais non négligeables, d’autres terroirs profitent de l’intérêt porté aux vins de pays bien caractérisés: bergerac et monbazillac en Dordogne, buzet et duras en Lot-et-Garonne, madiran, jurançon et irouléguy des Pyrénées-Atlantiques ou tursan des Landes. L’énumération traduit la présence de multiples noyaux de production que le système coopératif a animés et a amenés à une bonne spécialisation.La culture des céréales est fondée sur le maïs, très concentré dans les pays de l’Adour, le sud du massif landais et la vallée de la Garonne, tandis que le blé se trouve en Périgord et sur les côteaux garonnais où il s’associe avec le tabac et les cultures fourragères. Un tiers de la production nationale de maïs, soit 3,1 millions de tonnes et environ 40 p. 100 des exportations, provient ainsi des régions de la Chalosse et de ses confins; il couvre 430 000 hectares, en augmentation de 30 p. 100 depuis le début des années soixante-dix, et occupe plus du quart de la surface agricole utile; on peut considérer que les améliorations et les diversifications des produits (maïs semence et maïs doux) rythment les activités et les revenus d’une large partie des agriculteurs des trois départements du sud de l’Aquitaine grâce à la part croissante prise par l’irrigation. Selon des modalités pratiques différentes, mais avec une égale intensité technique, les cultures de fruits et légumes se sont également adaptées et spécialisées à partir de leurs aires de prédilection que constituent les grandes vallées et les côteaux proches; elles assurent 8 p. 100 de la production nationale et font de la région un grand producteur de fraise, tomate, haricot vert autant que de prune, kiwi, pomme, noix et noisette. Enfin, associé et protégé, le tabac demeure une spécialité et une référence, surtout dans le Bergeracois et le Marmandais: 35 p. 100 des tonnages et des recettes tabacoles français traduisent un premier rang régional confirmé dans le passage progressif des produits bruns vers les tabacs blonds.Longtemps part indispensable de la polyculture aquitaine, l’élevage tend à faire l’objet d’une spécialisation sur des exploitations de taille croissante dans les domaines peu favorisés pour les grandes cultures de marché: ainsi le trouve-t-on se concentrant surtout dans le nord du Périgord et dans le sud du Pays basque et du Béarn, délaissant Gironde et pays garonnais. Les associations sont localement très variées et dépendent des initiatives professionnelles locales et des effets d’entraînement des divers transformateurs industriels ou coopératifs. Il en est ainsi de l’élevage des palmipèdes gras, où Landes et Dordogne contribuent à assurer 64 p. 100 de la production nationale d’oies et surtout de canards gavés. Élevage de diffusion et de complément, il s’oppose à celui des porcins qui se concentre en unités toujours plus grandes se spécialisant soit dans le naissage, soit dans l’engraissement et qui se situe à la cinquième place en France. L’élevage des bovins est dans une profonde mutation, amorcée depuis le début des années quatre-vingt: en six ans seulement, 40 p. 100 des éleveurs ont arrêté la production laitière; celle-ci tend à se maintenir dans les petites exploitations dont elle assure le revenu le plus régulier dans les zones encore mal spécialisées. Le cheptel allaitant, produisant pour la boucherie, a désormais dépassé le troupeau laitier (270 000 têtes contre 200 000); à partir de l’amélioration de trois races locales, il permet la livraison de viandes de haute qualité. L’élevage des ovins de la montagne pyrénéenne connaît les mêmes améliorations; près de 20 millions de litres de lait de brebis sont collectés et transformés intégralement par des entreprises locales qui mettent les Pyrénées-Atlantiques au deuxième rang français pour la collecte et au premier pour les fromages fermiers.Complément spatial de l’Aquitaine qui, avec 13 p. 100 des massifs et 21 p. 100 des volumes de bois mis en marché, est la région la plus boisée de France, la sylviculture a connu une modernisation aussi réelle bien que plus lente dans son rythme et ses apparences. Elle est particulièrement notable dans le million d’hectares du massif des Landes de Gascogne, dont on ne tire plus de gemme et qui produit des bois de papeterie et, de plus en plus, des bois d’œuvre de qualité. Les boisements du nord et du sud de l’Aquitaine représentent 750 000 hectares moins continus, où les forêts paysannes s’inscrivent dans une économie rurale plus diversifiée: pin maritime, chêne, châtaignier et hêtre en montagne constituent les essences principales. Ce sont plus de 6,5 millions de mètres cubes, au total, qui sont tirés annuellement des massifs aquitains, un tiers pour les papeteries, les deux autres tiers comme bois d’œuvre surtout utilisé dans les industries locales.L’industrie: les permanences et les adaptationsEn 1986, le secteur secondaire aquitain comportait environ 17 500 établissements pour 232 000 salariés (260 000 salariés en 1990), mais avec de très forts contrastes de répartition et d’évolution. Les établissements de moins de vingt personnes étaient très largement les plus nombreux, 88 p. 100 de l’ensemble, mais n’employaient que 29 p. 100 des actifs du secteur; en une dizaine d’années, leur nombre a crû de près de 12 p. 100, de même que les emplois qu’ils mobilisent. À l’inverse, les établissements de plus de cinquante salariés, au nombre de 720, constituaient 4,1 p. 100 du groupe mais rassemblaient 54 p. 100 de l’emploi; à partir de 1975, leur déclin fut massif: 20 p. 100 des unités et des emplois, près de 28 000 personnes. L’Aquitaine est donc la terre de l’artisanat dilué, de la petite entreprise et connaît une contraction notable du nombre des usines importantes qui demeurent cependant essentielles pour l’emploi ainsi que pour l’orientation des productions.Celles-ci s’éclairent par la répartition des valeurs ajoutées qui montre, surtout, la sur-représentation du secteur de l’énergie, la centrale électronucléaire du Blayais et le maintien de la production d’Arjuzanx grâce au lignite et des hydrocentrales des Pyrénées compensant, et bien au-delà, la cessation d’activité des deux unités thermiques classiques d’Ambès à Bordeaux et d’Artix près de Lacq. Eu égard à ce poids, il apparaît surtout une sous-représentation des secteurs des biens intermédiaires et des biens d’équipement, tandis que les biens de consommation et les industries agro-alimentaires ont une place plus importante; une telle place est à rapprocher du rôle des petites et moyennes entreprises, largement diffusées dans toutes les bourgades et petites villes où elles se trouvent liées aux fonctions d’entretien et de valorisation de proximité. On soulignera aussi que, depuis le milieu des années soixante-dix, la valeur régionale de la production industrielle s’est sensiblement accrue au sein de l’ensemble national: passant de 4 p. 100 à 5 p. 100, elle témoigne d’une résistance notable aux effets de la crise ainsi que d’effets de spécialisation, surtout dans les biens d’équipement (tabl. 1).Alors que la contraction industrielle a été marquée par la perte de 40 000 emplois en dix années (1976-1986), on constate une transformation sensible des grandes répartitions. En une vingtaine d’années, l’ensemble constitué par l’énergie, les industries agro-alimentaires et les biens d’équipement a gagné des emplois et est passé de 27 p. 100 à 38 p. 100 du total régional. Les industries agro-alimentaires comptent 400 établissements de plus de dix salariés; longtemps concentrées dans le pôle bordelais, elles connaissent une large diffusion territoriale, s’implantant dans les zones de productions spécialisées où elles participent au conditionnement et à la préparation, activités qui vont de la fromagerie industrielle à l’élaboration de plats cuisinés de luxe, en passant par les traditionnelles conserveries. Autre bloc de résistance, mais marqué, lui, par la concentration sur Bordeaux et Bayonne, les industries de biens d’équipement; avec la réduction de la construction navale à quelques petits chantiers à Bordeaux et Arcachon, il s’agit avant tout du développement continu de la construction aéronautique et de l’électronique. La première, renforcée par l’aérospatiale, constitue un pôle très intégré de 12 000 personnes hautement qualifiées à Bordeaux, Bayonne et Aire-sur-l’Adour concentrant les autres usines; la seconde s’est principalement développée dans la métropole aquitaine tant dans la branche des ordinateurs de grande capacité que dans celle des équipements militaires. Pour clore ce tableau des positions solides, il faut ajouter la construction automobile bordelaise, spécialisée dans les équipements mécaniques (tabl. 2).La contraction et la restructuration caractérisent les autres ensembles manufacturiers. Au sein des biens intermédiaires, fonderie et papeterie illustrent des modifications contrastées; la première poursuit un déclin généralisé, les petites unités spécialisées se maintiennent difficilement tandis qu’à Fumel la grande usine intégrée a été progressivement démantelée. Dans la papeterie, par contre, il y a bien des fermetures, mais la modernisation des grandes usines girondine (Facture), landaises (Mimizan, Tartas) et périgourdine (Lalinde) font de la région le premier producteur national de papiers et cartonnages d’emballage. L’évolution est la même dans les biens de consommation où la baisse quantitative est amorcée dès la fin des années cinquante. Mais l’effondrement de l’industrie de la chaussure tant à Bordeaux que dans tous les départements aquitains, où les unités subsistantes se spécialisent dans les articles de sport ou de travail (Miramont, Saint-Vincent-de-Tyrosse), contraste avec les mutations de l’ameublement. Là, l’innovation, la généralisation des productions très automatisées permettent une meilleure utilisation des bois, qu’ils soient importés ou locaux, et assurent aux usines d’Oloron, Hagetmau, Bergerac ou, plus petites, des pays garonnais ou du massif landais de nouveaux débouchés dans l’ameublement, l’équipement et la menuiserie industrielle.Diversifiée, transformée, l’industrie aquitaine voit ses contrastes de répartition accentués par les modernisations. Les petites villes de l’Aquitaine demeurent des centres manufacturiers spécialisés: Montpon, Sarlat et Terrasson en Dordogne; Mimizan, Saint-Vincent-de-Tyrosse dans les Landes; Casteljaloux, Fumel, Miramont en Lot-et-Garonne; Arudy, Hasparren, Mauléon, Nay et Oloron dans les Pyrénées-Atlantiques. Mais les activités les plus diversifiées et les technologies de pointe se trouvent concentrées dans la métropole bordelaise qui rassemble près de 30 p. 100 de l’emploi aquitain; qualitativement, elle constitue un pôle puissant reposant sur l’aéronautique, l’électronique et la chimie fine principalement localisées dans le nord-ouest de l’agglomération (Le Haillan, Mérignac, Saint-Médard-en-Jalles), tandis que les industries plus diversifiées héritées des vieilles spécialisations (mécanique, spiritueux, chaussure) ont abandonné la ville-centre pour s’installer sur la douzaine de zones industrielles des communes périphériques aménagées depuis le début des années soixante. Entre la métropole et les bourgs spécialisés, les centres intermédiaires, principalement Bayonne avec l’aéronautique et les engrais, Pau qui connaît une diversification de productions à partir de la mutation du complexe chimique de Lacq et, plus modestement, Agen et Périgueux, constituent des points d’ancrage non négligeables, inégalement renforcés par des formations supérieures en cours de spécialisation.Les relations: l’accueil, le passageL’élargissement de la Communauté économique européenne a modifié la position de l’Aquitaine, qui est devenue une zone de passage susceptible de développements importants. L’axe Madrid-Paris-Europe du Nord passe par Bayonne et Bordeaux ; ferroviaire et autoroutier, il a concentré beaucoup d’efforts d’investissements. Les relations transversales, importantes pour les liaisons inter-régionales, donnent lieu à des trafics moins intenses. La vallée de la Garonne constitue la relation intermédiaire d’évidence sans s’ouvrir pour autant à des trafics importants, faute de complémentarités très fortes avec le domaine méditerranéen; de la même manière, la liaison prépyrénéenne Bayonne-Pau-Toulouse, très accidentée, ainsi que l’axe Bordeaux-Périgueux vers Lyon servent surtout à des relations régionales en attendant que l’évolution des infrastructures et l’accroissement des échanges internationaux en modifient les usages de manière significative. Entre ces axes majeurs qui associent voie ferrée et route, les transports automobiles règnent en maîtres pour toutes les dessertes de proximité: le réseau routier, indispensable en milieu de densité faible et cependant ponctué de nombreux bourgs, constitue un des engagements financiers essentiels des collectivités locales.Tournées plus fortement vers l’extérieur, les activités portuaires et aériennes se sont modifiées rapidement. Depuis le milieu des années soixante-dix, l’activité du port de Bordeaux a subi une baisse très significative, passant de près de 14 millions de tonnes à 9,4 millions (1990). Les hydrocarbures passent de 75 à 48 p. 100 du trafic total, et traduisent la mutation des fonctions maritimes de la métropole: la fermeture successive des trois raffineries de l’estuaire, la contraction des importations tropicales traditionnelles amènent, en même temps que le déplacement des installations portuaires à Bassens et au Verdon, une concentration sur les marchandises diverses suscitée par les besoins d’un arrière-pays relativement proche. Toute proportion gardée, il en va de même avec Bayonne, fort d’un trafic stabilisé autour de 3,3 millions de tonnes, qui, attaché d’abord aux exportations de soufre de Lacq, sert de plus en plus aux échanges générés par les activités agricoles du sud de la région. Le trafic des passagers s’est reporté, quant à lui, sur les aéroports; celui de Bordeaux-Mérignac connaît une croissance très soutenue avec le doublement du nombre des passagers entre 1980 et 1990, où ils dépassent 2 500 000; les relations intérieures essentielles sont complétées par la diversification progressive de lignes régulières desservant toute l’Europe tandis que le fret (stabilisé autour de 10 000 tonnes par an) est acheminé principalement vers l’Afrique et les Antilles. Avec plus de 500 000 passagers par an chacun, les aéroports de Biarritz-Parme et Pau-Idron complètent le réseau et assurent leur croissance grâce aux liaisons d’affaires et, surtout, à l’activité touristique.Celle-ci constitue une des formes les plus remarquables de la reconnaissance extérieure de l’Aquitaine. Avec 33 000 chambres en hôtellerie homologuée (1990), la région représente plus de 5 p. 100 de l’équipement national, mais elle dépasse 10 p. 100 pour la capacité des terrains de camping et même 15 p. 100 pour les villages de vacances. Alors que 80 p. 100 des séjours dans ces deux derniers modes d’accueil s’effectuent sur la côte atlantique, pour l’hôtellerie traditionnelle, le séjour dans les villes assure 20 p. 100 de l’activité, le thermalisme (principalement à Dax) 13 p. 100 alors que la côte n’en constitue que 31 p. 100, ce qui souligne l’importance de l’accueil traditionnel dans l’Aquitaine intérieure, Pays basque et Périgord surtout. La région, en effet, juxtapose deux types de fréquentation: la première, ancienne, mêle aux avantages climatiques du Sud-Ouest atlantique la reconnaissance d’avantages touristiques bien caractérisés, gastronomie autant que patrimoine; la seconde, entraînée par l’action de la Mission interministérielle pour l’aménagement de la côte aquitaine (M.I.A.C.A.) depuis le début des années soixante, est surtout axée sur l’héliotropisme balnéaire qui, durant quelques semaines estivales, entraîne l’accumulation d’une clientèle venue de l’Europe du Nord-Ouest sur les immenses plages girondines et landaises.Tourisme, passage, mais aussi intensité des relations de proximité font de l’Aquitaine un domaine de croissance et de diversification de l’ensemble des activités tertiaires. Depuis le milieu des années soixante, elles ont gagné 310 000 emplois, pour rassembler plus de 650 000 actifs, ce qui les fait passer de 53 à 63,6 p. 100 de la population active.Cette importante tertiairisation de l’économie régionale s’explique par le réseau de bourgs et petites villes qui, dans un espace médiocrement peuplé, pour l’Europe occidentale, assure des fonctions urbaines d’équipement et d’échange: l’histoire autant que la contrainte économique expliquant la multiplication des équipements et des services alors même que la tradition politique est marquée par une forte intervention des collectivités locales. Ainsi le quart de la population active est-il mobilisé dans les services non marchands donc, essentiellement, dans les emplois publics et 17,5 p. 100 dans les services marchands. Cette interpénétration entre les villes et l’économie par le biais des équipements (et particulièrement de la formation et de la recherche) constitue le facteur majeur de la croissance aquitaine au sein de l’Europe du Sud.Aquitainerégion admin. française et région de la C.E., formée des dép. de la Gironde, de la Dordogne, du Lot-et-Gar., des Landes et des Pyr.-Atl.; 41 407 km²; 2 858 293 hab.; cap. Bordeaux. Géogr. phys. et hum. - Bordée au S. par les Pyrénées, limitée au N.-E. par les plateaux calcaires du Périgord, l'Aquitaine s'ouvre sur l'Atlantique. Aux étés méditerranéens succèdent des hivers à caractère océanique. Population et villes se concentrent dans les grandes vallées. L'installation d'Italiens, d'Espagnols et de rapatriés d'Algérie a partiellement compensé un exode important. écon. - L'agriculture garde pour fleuron le vignoble du Bordelais. La polyculture s'est orientée vers le maïs, les fruits et légumes, l'élevage de qualité. Les industries du bois traitent le pin des Landes (premier massif forestier d'Europe). Les ressources minérales (gaz de Lacq, notam.) sont en voie d'épuisement. Auj. se développent des activités de pointe: chimie, aérospatiale, biotechnologies. Le tourisme est florissant.————————Aquitainerégion historique de France correspondant au bassin Aquitain. Anc. province romaine, le "Pays des eaux" passa aux Wisigoths (Ve s.), que Clovis vainquit à Vouillé (507), intégrant le territoire au royaume franc. Royaume vassal de l'Empire carolingien, elle devint, à la fin du IXe s., un duché qui passa aux rois d'Angleterre quand Aliénor d'Aquitaine épousa (1152) le futur Henri II d'Angleterre (1154). Nommée alors Guyenne, elle fut disputée par la France et l'Angleterre jusqu' en 1453, quand le roi de France Charles VII remporta la bataille de Castillon (dans le dép. actuel de la Gironde).————————Aquitain (bassin) ou Aquitaine (bassin de l')en France, vaste dépression sédimentaire entre le Massif armoricain et le Massif central, les Pyrénées et l'océan Atlantique.— Le bassin, drainé par la Garonne, jouit d'un climat océanique. (V. Aquitaine [Région] et Midi-Pyrénées.)
Encyclopédie Universelle. 2012.